Eusèbe de CESAREE

Eusèbe de CESAREE (265 – 340) écrits

Théologien, écrivain, 
prêtre, historien

 

« Beaucoup viendront de l'orient et de l'occident et prendront place... au festin du Royaume des cieux »

 

Nombreux sont les témoignages de l'Écriture montrant que les nations païennes n'ont pas reçu moins de grâces que le peuple juif. Si les juifs...participent à la bénédiction d'Abraham, l'ami de Dieu, parce qu'ils sont ses descendants, rappelons que Dieu s'était engagé à donner aux païens une bénédiction semblable non seulement à celle d'Abraham, mais encore à celles d'Isaac et de Jacob. Il a prédit explicitement, en effet, que toutes les nations seront bénies pareillement et il invite tous les peuples à une seule et même joie avec ces bienheureux amis de Dieu : « Nations, réjouissez-vous avec son peuple » (Dt 32,43) et encore : « Les princes des peuples se sont rassemblés avec le Dieu d'Abraham » (Ps 46,10). 

Si Israël se glorifie du Royaume de Dieu, en disant qu'il est son héritage, les oracles divins lui montrent que Dieu régnera aussi sur les autres peuples : « Allez dire aux nations : Le Seigneur est roi » (Ps 95,10) et encore : « Dieu règne sur les païens » (Ps 46,9). Si les juifs ont été choisis pour être les prêtres de Dieu et pour lui rendre un culte..., la parole de Dieu a promis de communiquer aux nations le même ministère : « Rendez au Seigneur, famille des peuples, rendez au Seigneur la gloire et l'honneur. Présentez des offrandes, entrez dans ses parvis » (Ps 95,7-8)... 

Et si jadis, dans un premier temps, « le lot du Seigneur fut Jacob, son peuple, et sa part d'héritage Israël » (Dt 32,9 LXX), dans un deuxième temps, l'Écriture affirme que tous les peuples seront donnés en héritage au Seigneur, selon la parole du Père : « Demande-moi, et je te donnerai en héritage les nations » (Ps 2,8). La prophétie annonce encore qu'il « dominera » non seulement en Judée, mais « de la mer à la mer et jusqu'aux extrémités de la terre ; tous les pays le serviront et en lui seront bénies toutes les tribus de la terre » (Ps 71,8-11). C'est ainsi que le Dieu de l'univers « a fait connaître son salut devant toutes les nations » (Ps 97,2).

Démonstration évangélique, II, 3, 35
(trad. Sr Isabelle de la Source, Lire la Bible, t. 6, p. 197 ; cf SC 228) 

« Qu'êtes-vous allés voir au désert ? »

 

« Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur ; rendez droits les sentiers de notre Dieu » (Is 40,3). Cette parole montre clairement que les événements prophétisés ne s'accompliront pas à Jérusalem, mais au désert. C'est au désert que la gloire du Seigneur va apparaître ; c'est là que « toute chair prendra connaissance du salut de Dieu » (Is 40,5). Et c'est ce qui s'est passé réellement, littéralement, lorsque Jean Baptiste a proclamé dans le désert du Jourdain que le salut de Dieu allait se manifester. Car c'est là que le salut de Dieu est apparu. En effet, le Christ avec sa gloire s'est fait connaître à tous lorsqu'il a été baptisé dans le Jourdain... 

Le prophète parlait ainsi parce que Dieu devait résider dans le désert, ce désert qui est inaccessible au monde. Toutes les nations païennes étaient des déserts de la connaissance de Dieu, inaccessibles aux justes et aux prophètes de Dieu. C'est pour cela que cette voix ordonne de préparer le chemin au Verbe de Dieu, de rendre unie la route inaccessible et raboteuse, afin que notre Dieu, qui vient résider chez nous, puisse y avancer... 

« Monte sur une haute montagne, toi qui portes la bonne nouvelle à Sion ! Élève la voix avec force, toi qui annonces la bonne nouvelle à Jérusalem » (Is 40,9)... Qui est cette Sion..., celle que les anciens appelaient Jérusalem ? ... N'est-ce pas une façon de désigner le groupe des apôtres, choisis dans le peuple ancien ? N'est-ce pas celle qui a reçu en héritage le salut de Dieu..., elle-même située sur la hauteur, c'est à dire fondée sur le Verbe, le Fils unique de Dieu ? C'est à elle qu'il ordonne...d'annoncer à tous les hommes la Bonne Nouvelle du salut.

Commentaire sur Isaïe, 40 ; PG 24, 365-368 (trad. bréviaire rev) 

L'avènement au désert. La Bonne Nouvelle sur la montagne. 

 

Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits les sentiers de notre Dieu. Cette parole montre clairement que les événements prophétisés ne se produiront pas à Jérusalem, mais au désert ; c'est là que la gloire du Seigneur apparaîtra et que toute chair aura connaissance du salut de Dieu. Et c'est ce qui s'est accompli réellement et littéralement lorsque Jean Baptiste proclama dans le désert du Jourdain que le salut de Dieu se manifesterait, car c'est là que le salut de Dieu est apparu. En effet, le Christ avec sa gloire s'est fait connaître à tous : lorsqu'il eut été baptisé, le Saint-Esprit descendit sur lui sous la forme d'une colombe et y demeura ; et la voix du Père lui rendit témoignage : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le. 

Le prophète parlait ainsi parce que Dieu devait résider dans le désert, qui est inaccessible au monde. Toutes les nations païennes étaient désertées par la connaissance de Dieu, et toutes étaient inaccessibles aux justes et aux prophètes de Dieu. 

C'est pour cela que cette voix ordonne de préparer le chemin au Verbe de Dieu et de rendre unie la route inaccessible et raboteuse afin que notre Dieu, en venant résider chez nous, puisse y avancer. ~

Monte sur une haute montagne, toi qui portes la bonne nouvelle à Sion. Élève la voix avec force, toi qui portes la bonne nouvelle à Jérusalem. Ces paroles s'accordent tout à fait avec le sens de celles qui ont précédé, et elles ont raison de mentionner les évangélistes, les porteurs de la Bonne Nouvelle, car elles annoncent aux hommes la Bonne Nouvelle de l'avènement de Dieu, après avoir parlé de la voix qui crie dans le désert. En effet la parole concernant les évangélistes du Sauveur vient à la suite de la prophétie concernant Jean Baptiste. 

Qui donc est cette Sion, sinon très certainement celle que les anciens appelaient Jérusalem ? En effet, c'était bien une montagne, comme le montre cette affirmation de l'Écriture : La montagne de Sion où tu fis ta demeure ; et l'Apôtre : Vous êtes venus vers la montagne de Sion. N'est-ce pas une façon de parler qui désigne le groupe des Apôtres, choisis dans le peuple ancien, dans le peuple de la circoncision ?

Telle est en effet Sion ou Jérusalem, qui a reçu en héritage le salut de Dieu et qui, elle-même, est située sur la hauteur, sur la montagne même de Dieu, c'est-à-dire sur le Verbe, son Fils unique : il lui ordonne de monter sur la haute montagne pour annoncer la bonne nouvelle du salut. Or, quel est celui qui annonce la bonne nouvelle, sinon le groupe des évangélistes ? Et qu'est-ce qu'évangéliser ? C'est proclamer à tous les hommes et, avant tous, aux cités de Juda, l'avènement du Christ sur la terre.

COMMENTAIRE SUR ISAÏE

« Qu’ils soient un en nous, eux aussi »

 

      Dans sa grande prière sacerdotale, notre Sauveur demande que nous soyons avec lui là où il est et que nous contemplions sa gloire. Il nous aime comme son Père l'aime et il désire nous donner tout ce que le Père lui a donné. La gloire qu'il tient de son Père, il veut nous la donner à son tour et nous faire tous un. Il veut que nous ne soyons plus une multitude mais formions tous ensemble une unité, réunis par sa divinité dans la gloire du Royaume, non pas dans la fusion en une seule substance, mais dans la perfection, sommet de la vertu. C'est cela que le Christ a proclamé quand il a dit : « Qu'ils soient parfaitement un ! » Ainsi, rendus parfaits par la sagesse, la prudence, la justice, la piété et toutes les vertus du Christ, nous serons unis à la lumière indéfectible de la divinité du Père, devenus nous-mêmes lumière par notre union avec lui, et pleinement fils de Dieu par notre communion à son Fils unique qui nous fait prendre part à l'éclat de sa divinité.

      C'est de cette manière que nous deviendrons tous un avec le Père et le Fils. Car de même qu'il a déclaré que le Père et lui sont un -– « Moi et le Père, dit-il, nous sommes un » (Jn 10,30) -- de même il prie pour qu'à son imitation nous participions à la même unité... Non pas cette unité de même nature qu'il a avec le Père, mais celle-ci : comme le Père l'a fait participer à sa propre gloire, ainsi lui-même, à l'imitation de son Père, communiquera sa gloire à ceux qu'il aime.

La Théologie ecclésiastique, III, 18-19 ; PG 24, 1042s (trad. Orval)

Le martyre de saint Jacques, apôtre

 

      C'était sans doute grâce à une puissance et à une assistance du ciel que la doctrine du salut, tel un rayon de soleil, a éclairé soudainement toute la terre. Suivant les divines Écritures, en effet, sur toute la terre a retenti la voix des évangélistes et des apôtres, « leurs paroles jusqu'aux limites du monde » (Ps 18,5). Et vraiment dans chaque ville, dans chaque bourg, comme dans une aire pleine de blé, se constituaient en masse des Églises fortes de milliers d'hommes, remplies de fidèles...

      Mais sous le règne de l'empereur Claude, « le roi Hérode se mit à maltraiter certains membres de l'Église ; c'est ainsi qu'il a fait périr Jacques, frère de Jean, par le glaive » (Ac 12,1-2). De Jacques, Clément [d'Alexandrie] rapporte un récit digne de mémoire tel qu'il le tenait de la tradition de ses prédécesseurs : celui qui l'avait amené au tribunal a été ému en le voyant donner son témoignage, et il a confessé que lui aussi était chrétien. Tous deux, dit-il, ont été amenés ensemble au supplice, et le long du chemin, celui-ci a demandé à Jacques de lui pardonner. Jacques a réfléchi un instant et il l'a embrassé en disant : « Que la paix soit avec toi ! » Et ainsi tous deux ont été décapités en même temps.

      Alors, dit la sainte Ecriture, voyant que ce qu'il avait fait par la mort de Jacques avait plu à certains, Hérode s'est attaqué également à Pierre et l'a jeté en prison. Il s'en est fallu de peu qu'il le fasse mourir aussi. Mais, grâce à une manifestation divine, un ange s'est présenté à l'apôtre pendant la nuit et l'a délivré miraculeusement de ses liens ; il a été relâché pour le ministère de la prédication (Ac 12,4-17). 

Histoire ecclésiastique, II, 3, 9 (trad. SC 31, p. 54s rev.)

Succession des Apôtres

 

"Beaucoup d'autres encore, en plus de ceux-ci, étaient célèbres à cette époque et possédaient le premier rang de la succession des Apôtres. Disciples remarquables de ces hommes, ils édifiaient des Eglises sur les fondements que les Apôtres avaient commencé d'établir partout. Ils développaient de plus en plus la prédication. Ils semaient les semences salutaires du royaume des cieux sur toute l'étendue de la terre habitée.

En effet, un très grand nombre de disciples ont été alors marqués dans leur esprit, par le Verbe de Dieu, d'un très vif amour de la sagesse. D'abord ils accomplissaient le conseil du Seigneur en distribuant leurs biens aux pauvres. Puis ils quittaient leur pays pour accomplir leur fonction d'évangéliste, voulant prêcher, à ceux qui ne l'avaient pas encore entendue, la parole de la foi, et transmettre les Ecritures et la bonne nouvelle divine. Ils déposaient seulement les fondements de la foi dans des pays étrangers, et y établissaient d'autres pasteurs auxquels ils confiaient le soin d'élever ceux qu'ils venaient d'introduire dans l'Eglise. Cela fait, ils repartaient vers d'autres peuples dans d'autres contrées, soutenus par la grâce et le secours de Dieu. Car les puissances multiples et merveilleuses de l'Esprit divin agissaient encore par eux en ce temps-là. C'est pourquoi, dès la première audition, les foules, comme un seul homme recevaient dans leurs âmes la piété envers le créateur de toutes choses. Mais il nous est impossible de citer par leurs noms tous ceux qui, lors de la première succession des Apôtres , devinrent les pasteurs et les évangélistes des Eglises du monde.

Nous retiendrons seulement le souvenir de ceux dont les ouvrages ont transmis jusqu'à nous la tradition de l'enseignement des Apôtres. Tels sont, en particulier, Ignace (d'Antioche) et Clément, dans la lettre, reçue de tous, qu'il adressa au nom de l'Eglise des Romains à celle des Corinthiens..."

(Eusèbe de Césarée, Histoire Ecclésiastique, III, 37-38,1)