Chapitre quinzième — Du Sacrement du Baptême

Ce que nous avons dit jusqu’ici des Sacrements en général, suffit pour faire comprendre combien il est nécessaire de savoir ce que la Foi catholique enseigne sur chaque Sacrement en particulier, si l’on veut être instruit comme il convient de la Doctrine chrétienne, et pratiquer la vraie piété. Il y a plus: quiconque lira Saint Paul avec un peu d’attention sera forcé de conclure qu’une connaissance parfaite du Baptême est absolument requise pour les Fidèles ; tant il rappelle souvent, en termes solennels et remplis de l’Esprit de Dieu, le souvenir de ce Mystère ! tant il en relève avec soin le côté divin, et s’efforce de le mettre sous nos yeux, pour nous y faire contempler et imiter la Mort, la Sépulture et la Résurrection de notre Rédempteur [1]. C’est pourquoi les Pasteurs ne doivent jamais croire qu’ils ont trop fait, ou déployé trop de zèle, pour parler de ce Sacrement. Ils ne se contenteront pas d’en expliquer, à l’exemple de nos ancêtres, les divers mystères, la veille de Pâques ou de la Pentecôte, dans ces deux jours où l’Eglise autrefois avait coutume d’administrer ce Sacrement avec un respect si profond et des cérémonies solennelles, — ils devront encore saisir dans les autres temps toutes les occasions d’en dire quelque chose. Une des plus favorables sera la circonstance du Baptême à administrer à quelqu’un, et lorsqu’ils verront un certain nombre de personnes assister à cette cérémonie. Alors il leur sera facile, sinon de passer en revue tous les points qui se rapportent à ce Sacrement, du moins d’en développer un ou deux, avec d’autant plus de fruit que les Fidèles auront sous les yeux des rites sacrés, où ils verront exprimées d’une manière sensible les vérités qu’ils entendront, et qu’ils seront occupés à les contempler avec plus d’attention et de piété. De là il résultera que chacun, frappé de ce qui se fera pour un autre sous ses yeux, ne manquera pas de se rappeler les obligations qu’il a contractées lui-même avec Dieu au jour de son Baptême, et il sera amené à se demander si sa vie et ses mœurs sont bien celles que suppose et exige la profession de Chrétien.

  • I. — CE QUE C’EST QUE LE BAPTÊME POUR LE nOM eT POUR LA CHOSE.

Pour mettre de l’ordre et de la clarté en cette matière, il convient d’expliquer d’abord la nature et l’essence du Sacrement, après avoir donné toutefois le sens du mot lui-même.

Ce mot de Baptême est comme on le sait un mot grec, qui, dans les Saintes Ecritures, ne signifie pas seulement cette ablution qui est unie au Sacrement, mais encore toute sorte d’ablution, [2] et quelquefois même la Passion. [3] toutefois les Auteurs ecclésiastiques s’en servent pour exprimer, non une ablution corporelle quelconque, mais uniquement celle qui se fait dans le Sacrement, et qui, de plus. Est toujours accompagnée de la forme prescrite des paroles. C’est dans ce sens que les Apôtres l’ont employé très souvent, après Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Les Saints Pères ont encore donné au Baptême d’autres dénominations. Ainsi, parce que, en recevant le Baptême, on fait en même temps profession de toute la Foi chrétienne, Saint Augustin l’appelle le Sacrement de la Foi. [4] et parce que la foi que nous professons dans le Baptême illumine nos cœur », d’autres lui ont donné le nom d’illumination. Souvenez-vous, dit l’Apôtre aux Hébreux, [5] de ces premiers jours, où après avoir été illuminés, vous avez soutenu la grande épreuve des afflictions. Saint Paul parle évidemment du temps où les Hébreux avaient reçu le Baptême. Saint Jean Chrysostome, dans un discours qu’il prononça devant les Catéchumènes, [6] l’appelle encore, tantôt sépulture, plantation, croix de Jésus-Christ. Expressions dont il est facile de trouver la raison dans l’Epître aux Romains. Enfin Saint Denys le nomme le principe des saints Commandements, [7] parce qu’il est comme la porte par laquelle on entre dans la Société chrétienne, et que c’est par ce Sacrement que l’on commence à obéir aux préceptes divins. Voilà en peu de mots ce que l’on pourra dire sur le nom de Baptême.

Quant à la définition de la chose, on peut en trouver plusieurs dans les Auteurs ecclésiastiques. La plus juste et la plus convenable est celle qui se tire des paroles de Notre-Seigneur dans Saint Jean, et de l’Apôtre dans l’Epître aux Ephésiens. Quand le Sauveur dit: [8] Celui qui ne sera pas régénéré par l’eau et par l’Esprit, ne pourra pas entrer dans le Royaume de Dieu ; lorsque l’Apôtre, [9] parlant de l’Eglise, nous enseigne que Jésus-Christ l’a purifiée par l’eau dans la parole ; n’en résulte-t-il pas que le Baptême peut très bien et avec justesse se définir le Sacrement de la Régénération dans l’eau par la parole ? Par la nature, nous naissons d’Adam, et nous naissons enfants de colère ; mais par le Baptême nous renaissons en Jésus-Christ, comme enfants de la miséricorde, car Dieu a donné [10] le pouvoir de devenir enfants de Dieu à tous les hommes qui croient en son nom, qui ne sont nés ni du sang, ni de la volonté de la chair, ni de. la volonté de l’homme, mais de Dieu.

Au reste, quelles que soient les expressions que l’on emploie pour définir le Baptême et l’expliquer, ce qu’il faut apprendre au peuple, c’est que ce Sacrement consiste dans une ablution à laquelle doivent nécessairement s’unir les paroles solennelles que Notre-Seigneur a déterminées et fixées Lui-même. [11] Ainsi l’ont toujours enseigné les Saints Pères ; et Saint Augustin en particulier l’affirme de la manière la plus formelle et la plus nette: [12] La parole, dit-il, s’unit à l’élément, et le Sacrement existe. Les Fidèles ont besoin d’être parfaitement instruits sur ce point. Autrement, ils pourraient tomber dans cette erreur assez commune, et qui consiste à croire que l’eau conservée dans les Fonts baptismaux pour l’administration du Sacrement est le Sacrement lui-même. Le Baptême n’existe que lorsque l’on verse l’eau sur quelqu’un, en prononçant au même moment les paroles instituées par Notre-Seigneur.

Nous avons dit, en traitant des Sacrements en général, que chacun d’eux se compose de la matière et de la forme. Les Pasteurs auront donc soin de bien faire connaître la matière et la forme du Baptême.

La matière, ou l’élément de ce Sacrement, c’est toute espèce d’eau naturelle, eau de mer, de rivière, de marais, de puits, de fontaine, en un mot tout ce qui porte simplement le nom d’eau, et rien de plus. En effet notre Sauveur a dit: [13] Celui qui ne sera pas régénéré par l’eau et par l’Esprit, ne pourra pas entrer dans le Royaume de Dieu. Saint Paul enseigne [14] que l’Eglise a été purifiée par l’eau. Et nous lisons aussi dans Saint Jean: [15] qu’il y en a trois qui rendent témoignage sur la terre, l’esprit, l’eau et le sang. Plusieurs autres endroits de l’Ecriture renferment la même vérité.

  1. Jean-Baptiste, il est vrai, disait [16] que notre Seigneur viendrait, et qu’Il baptiserait dans le Saint-Esprit et dans le feu. Mais ces paroles ne doivent nullement s’entendre de la matière du Baptême. Il faut les rapporter à l’effet intérieur que le Saint-Esprit opère dans l’âme, ou plutôt au miracle qui se manifesta le jour de la Pentecôte [17], lorsque le Saint-Esprit descendit du ciel sur les Apôtres, sous la forme du feu, miracle que Notre-Seigneur leur avait prédit, en disant: [18] Jean a baptisé. dans l’eau, mais vous, sous peu de jours, vous serez baptisés dans le Saint-Esprit.

C’est également cette matière de notre Sacrement que Dieu, selon les Saintes Ecritures, a voulu exprimer par des figures, et par les oracles des Prophètes. Ainsi le Déluge [19] qui purifia la terre, parce que la malice des hommes était à son comble, et que toutes leurs pensées étaient tournées vers le mal, le Déluge était une figure et une image de l’eau du Baptême. C’est le témoignage formel du Prince des Apôtres, dans sa première épître. [20] et Saint Paul, écrivant aux Corinthiens, leur déclare que le passage de la mer Rouge [21] avait la même signification. Et nous ne parlons pas de l’ablution du Syrien Naaman, ni de la vertu miraculeuse de la piscine probatique, ni de plusieurs autres choses de ce genre dans lesquelles il est facile d’apercevoir autant de symboles de ce Mystère.

Quant aux Prophètes qui l’avaient annoncé, personne ne peut en douter. Et ces eaux auxquelles le Prophète Isaïe invite avec tant de zèle tous ceux qui ont soif [22] et celles qu’Ezéchiel voyait en esprit sortir du temple [23], et cette fontaine que Zacharie [24] montrait dans l’avenir à la maison de David, et aux habitants de Jérusalem, comme une source préparée pour purifier le pécheur et la femme impure, toutes ces eaux excellentes n’étaient-elles pas la figure et le signe de l’eau salutaire du Baptême ?

Au reste, la nature même et la vertu de ce Sacrement demandaient que l’eau en fût la matière propre. Saint Jérôme, écrivant à Océanus [25], le démontre très bien, et par de nombreuses raisons.

Mais les Pasteurs, traitant le même sujet, enseigneront avant tout aux Fidèles que ce Sacrement étant absolument nécessaire à tous sans aucune exception, pour obtenir la Vie éternelle, rien n’était plus indiqué ni plus convenable, pour en devenir la matière, que l’eau, qui se trouve partout et que l’on peut se procurer si facilement. Au surplus l’eau représente admirablement l’effet du Baptême. Elle lave les souillures du corps, et par là elle exprime très bien l’action et l’efficacité de ce Sacrement sur l’âme, qu’il purifie de ses péchés. Enfin l’eau a la propriété de rafraîchir les corps, comme le Baptême a la vertu d’éteindre en grande partie l’ardeur des passions.

Mais si l’eau naturelle et sans aucun mélange est une matière suffisante pour administrer le Baptême dans tous les cas de nécessité, cependant c’est un usage constant dans l’Eglise catholique, fondé sur la tradition des Apôtres, d’ajouter à l’eau le saint Chrême, quand on donne ce Sacrement avec les cérémonies prescrites ; ce qui en représente plus clairement encore les effets. Le peuple doit savoir également que, si dans la nécessité, on peut employer une eau dont on doute si elle est telle que le Sacrement l’exige, c’est cependant une vérité incontestable que jamais et pour aucune cause le Baptême ne peut exister, s’il n’est administré avec de l’eau naturelle.

Après avoir expliqué la première des deux choses qui constituent le Baptême, c’est-à-dire la matière, les Pasteurs n’auront pas moins de zèle pour instruire les Fidèles de la forme, seconde partie du Sacrement, tout aussi indispensable que l’autre. Ils devront même apporter à ces explications un soin et un labeur d’autant plus soutenus, que la connaissance d’un aussi saint Mystère n’est pas seulement propre à donner par elle-même à leurs peuples une vive satisfaction — effet ordinaire de la science des choses de Dieu — mais qu’elle est encore infiniment désirable, à cause de l’usage presque journalier qu’on est obligé d’en faire. Il arrive souvent en effet, comme nous le verrons plus tard, et plus en détail, que des gens du peuple, et presque toujours de simples femmes, sont obligés d’administrer le Baptême. C’est donc une chose nécessaire d’apprendre et d’expliquer à tous les Fidèles sans exception, et d’une manière bien exacte, tout ce qui tient à l’essence de ce Sacrement.

Ainsi les Pasteurs enseigneront, en termes très clairs et à la portée de tous, que la forme essentielle et parfaite du Baptême est dans ces mots: Je te baptise au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. C’est en ces termes en effet qu’elle fut donnée par Jésus-Christ, notre Sauveur et notre Dieu, lorsqu’Il dit formellement à ses Apôtres [26] Allez, enseignez toutes les nations, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Par ce mot : baptisez, l’Eglise catholique, inspirée de Dieu, a toujours compris que dans la forme de ce Sacrement, il fallait exprimer l’action du ministre. Et c’est ce que l’on fait, en disant: Je te baptise. Mais, outre les ministres, il fallait encore exprimer et la personne qui reçoit le Baptême, et la cause principale qui produit le Sacrement. Voilà pourquoi l’on ajoute le mot: te, et le nom de chacune des trois Personnes de la Sainte Trinité. De sorte que la forme entière et complète du Sacrement est renfermée dans ces paroles que nous venons de citer: Je te baptise au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Ce n’est pas en effet la Personne seule du Fils qui opère l’effet de ce Sacrement, quoique Saint Jean dise: c’est Lui qui baptise [27], mais ce sont les trois Personnes de la Sainte Trinité ensemble. Et si l’on dit: Au nom, et non pas, dans les noms, c’est pour marquer qu’il n’y a qu’une seule nature et une seule divinité dans la Trinité. Ce mot ne se rapporte donc point aux Personnes ; il désigne la substance, la vertu, la puissance divine qui est une et la même dans les trois Personnes.

Dans cette forme que nous venons de donner, comme entière et parfaite, il y a des mots tellement nécessaires que l’on ne pourrait les supprimer sans détruire la validité du Sacrement, mais il y en a d’autres qui ne sont point aussi essentiels, et dont l’omission n’empêche point la validité. De ce nombre est (dans la langue latine) le mot ego, dont le sens est renfermé dans le verbe baptizo. Il y a plus ; les Eglises Grecques ont varié la tournure, et sont dans l’usage de supprimer complètement ce pronom, persuadées qu’il n’était pas nécessaire de faire mention du ministre. Ainsi, dans ces Eglises, on se sert généralement de cette forme: Que le serviteur de Jésus-Christ soit baptisé au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Ces paroles suffisent pour que le Sacrement soit conféré validement ; le Concile de Florence en a ainsi décidé. Et en effet, elles expriment assez clairement la vraie propriété de ce Sacrement, c’est-à-dire l’ablution qui se fait réellement quand on les prononce.

Si l’on est obligé d’avouer qu’à un moment donné les Apôtres baptIsaïent seulement au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, nous devons tenir pour certain qu’ils ne l’ont fait que par l’inspiration du Saint-Esprit. Dans ces commencements de l’Eglise, ils voulaient donner plus d’éclat à leur prédication par le nom de Jésus-Christ, et faire connaître davantage sa puissance divine et sans bornes. D’ailleurs, en examinant la chose à fond, on voit bientôt qu’il ne manque rien à cette formule de ce qui a été prescrit par notre Sauveur Lui-même. En effet dire Jésus-Christ c’est dire par là même la Personne du Père de qui Il a reçu l’onction sacrée, et la Personne du Saint-Esprit par lequel Il l’a reçue.

Au reste il est très permis de douter que les Apôtres aient conféré le Baptême de cette manière. Saint Ambroise, Saint Basile et plusieurs autres Pères d’une sainteté et d’une autorité considérables, croient que ce Baptême donné au nom de Jésus-Christ, n’est autre chose que le Baptême institué par Jésus-Christ, et qu’il fut ainsi appelé pour le distinguer du Baptême de Jean, sans qu’il s’ensuive que les Apôtres se soient écartés pour le conférer de la forme ordinaire et commune, qui exprime distinctement les trois Personnes. Saint Paul semble se servir de la même manière de parler dans son épître aux Galates: [28] Vous tous qui avez été baptisés en Jésus-Christ, vous vous êtes revêtus de Jésus-Christ. Que signifient ces paroles, sinon que les Galates avaient été baptisés dans la Foi de Jésus-Christ, mais non avec une formule différente de celle que notre Dieu et Sauveur avait Lui-même prescrite ?

Ce que nous venons de dire suffit pour instruire les Fidèles sur la matière et la forme, ces deux parties si importantes de l’essence même du Baptême. Mais pour produire le Sacrement, il y a une manière d’employer l’eau — manière déterminée par l’Eglise — dont il n’est pas permis de s’écarter. Les Pasteurs auront donc soin de donner la doctrine sur ce point, et d’expliquer en peu de mots l’usage et la pratique de l’Eglise. Elle admet trois manières de baptiser: ou bien en plongeant dans l’eau ceux que l’on baptise, ou bien en versant l’eau sur eux, ou enfin en les arrosant par aspersion. Mais de ces trois rites, quel que soit celui qu’on suive, il est certain que le Baptême est valide. L’eau n’est employée dans le Baptême que pour signifier l’ablution intérieure de l’âme, que ce Sacrement opère. Voilà pourquoi Saint Paul l’appelle un bain. [29] Or il y a également ablution, soit qu’on plonge dans l’eau, comme on le fit longtemps dans les premiers siècles de l’Eglise ; soit qu’on verse l’eau, comme c’est aujourd’hui l’usage général ; soit enfin qu’on fasse seulement une aspersion, comme Saint Pierre, dit-on, lorsqu’il convertit et baptisa en un seul jour trois mille personnes. [30]

Peu importe d’ailleurs que l’on fasse une ou trois ablutions. Saint Grégoire le Grand, écrivant à Léandre, dit que le Baptême s’est donné dans l’Eglise, et peut se donner de deux manières. néanmoins les fidèles devront observer le rite en usage dans leurs églises particulières.

Mais il faut avoir grand soin d’apprendre au peuple que l’eau doit être versée, non sur une partie quelconque du corps, mais principalement sur la tête, parce que la tête est comme le siège où aboutissent tous les sens intérieurs et extérieurs. De plus, les paroles de la forme du Sacrement doivent être prononcées non pas avant ou après l’ablution, mais dans le moment même où cette ablution se fait et par celui-là même qui la fait.

  • II. — DE L’INSTITUTION DU BAPTÊME.

Après ces explications, il importe d’enseigner — et de rappeler aux Fidèles — que le Baptême, comme tous les autres Sacrements, a été institué par Notre-Seigneur Jésus-Christ. Mais ce qu’il faut expliquer souvent et avec soin, c’est que pour le Baptême, il y a deux choses bien différentes à distinguer: d’une part le temps précis où Notre-Seigneur l’institua, et de l’autre celui où l’obligation de le recevoir a été imposée à tous.

Et d’abord, en ce qui regarde le premier objet, il apparaît clairement que ce Sacrement fut institué par Notre-Seigneur Jésus-Christ, lorsque recevant Lui-même le Baptême par le ministère de Jean, Il voulut bien donner à l’eau la vertu de nous sanctifier. Saint Grégoire de Nazianze [31] et Saint Augustin [32] nous assurent que ce fut en ce moment-là même que l’eau reçut la vertu de nous régénérer pour la vie spirituelle. nous lisons dans Saint Augustin: Depuis que Jésus-Christ a été plongé dans l’eau, l’eau a le pouvoir d’effacer tous les péchés. Et encore: Le Seigneur s’est fait baptiser, non qu’Il eût besoin d’être purifié, mais pour purifier l’eau au contact de sa Chair sans tache, et pour lui communiquer la vertu de nous purifier ensuite.

Mais ce qui nous fournit une preuve sans réplique de cette vérité, c’est que, à ce moment solennel, la Sainte Trinité tout entière, au nom de laquelle on confère le Baptême, manifesta sa présence. On entendit la voix du Père, le Fils était là en personne, et le Saint-Esprit descendit en forme de colombe. De plus les cieux s’ouvrirent, comme ils s’ouvrent pour nous par le Baptême.

Que si quelqu’un demande pourquoi il a plu à notre Seigneur d’attribuer à l’eau une vertu si admirable et si divine, il faut répondre que cela dépasse notre intelligence.

Mais ce que nous pouvons comprendre d’une manière suffisante, c’est que, notre Sauveur s’étant fait baptiser, l’eau, en touchant sa Chair très sainte et très pure, se trouva consacrée à l’usage de ce Sacrement. Mais nous ne devons pas perdre de vue que pour avoir été institué avant la Passion, le Baptême ne laissa pas d’en tirer toute sa vertu et toute son efficacité, parce que la Passion était comme la fin à laquelle le Rédempteur rapportait toutes ses actions.

Quant au temps où l’obligation de recevoir le Baptême a été imposée à tous, il ne peut y avoir aucun doute. Les Auteurs ecclésiastiques conviennent que lorsque notre Seigneur, après sa Résurrection, dit à ses Apôtres: [33] Allez, enseignez toutes les nations, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, au même moment, l’obligation de recevoir le Baptême fut imposée à tous les hommes qui voudraient se sauver. Cette conclusion peut se tirer également de ces paroles si autorisées du Prince des Apôtres: [34] Il nous a fait renaître à l’espérance de la nie par la Résurrection de Jésus-Christ d’entre les morts ; et aussi de ces paroles de Saint Paul, qui, en parlant de l’Eglise, s’exprime ainsi: [35] Il s’est livré pour elle, afin de la sanctifier en la purifiant par le Baptême de l’eau dans la parole de vie. tous les deux, en effet, semblent rapporter l’obligation du Baptême au temps qui suivit la mort du Sauveur, de sorte que ces paroles de Jésus-Christ: [36] Celui qui ne renaîtra point de l’eau et de l’esprit, ne pourra entrer dans le Royaume de Dieu, s’appliquent évidemment au temps qui devait suivre sa Passion.

Si les Pasteurs ont soin de traiter ce sujet comme il convient, il est impossible que les Fidèles ne reconnaissent point l’excellence et la dignité du Baptême, et ne conçoivent point des sentiments profonds de vénération et de reconnaissance pour un bienfait si admirable et si étonnant, surtout s’ils veulent réfléchir que les effets miraculeux, qui se manifestèrent au Baptême de Notre-Seigneur Jésus-Christ, se produisent intérieurement par la vertu du Saint-Esprit dans l’âme de tous ceux qui reçoivent le Baptême. Et de fait, si, comme il arriva au serviteur d’Elisée, nos yeux pouvaient s’ouvrir de manière à voir les choses célestes, il n’est personne assez dépourvu de sens commun, pour ne pas être saisi d’admiration en présence des divins mystères du Baptême. Mais pourquoi n’en serait-il pas de même, si les Pasteurs exposaient toutes les richesses de ce Sacrement avec une clarté si parfaite que les Fidèles fussent capables de les contempler, sinon avec les yeux du corps, du moins avec les yeux de l’esprit éclairé par la Foi ?

  • III. — DES MINISTRES DU BAPTÊME.

Voyons maintenant quels sont les Ministres de ce Sacrement. non seulement il est utile, mais il est nécessaire de le dire, d’une part, afin que ceux qui sont chargés de cette fonction, s’appliquent à la remplir saintement et avec piété ; de l’autre, afin que personne ne sorte des limites de ses attributions, et ne cherche à s’introduire à contretemps, ou à pénétrer avec insolence sur le terrain d’autrui. Car, dit l’Apôtre, [37] il faut garder l’ordre en toutes choses.

Les Fidèles doivent donc savoir qu’il y a trois classes de Ministres du Baptême. A la première appartiennent les Evêques et les Prêtres, qui exercent ce ministère de plein droit, et non en vertu d’un pouvoir extraordinaire. C’est aux Evêques que Notre-Seigneur a dit dans la personne des Apôtres: Allez, baptisez ! [38] et si, dès les premiers temps, ils ont pris l’habitude de laisser aux Prêtres l’administration du Baptême, c’était uniquement pour ne pas être obligés d’abandonner la charge plus importante encore de la prédication. Quant aux Prêtres, la doctrine des Pères [39] et l’usage constant de l’Eglise attestent qu’ils exercent cette Fonction en vertu d’un droit qui leur est tellement propre, qu’ils peuvent baptiser même en présence de l’Evêque. Et de fait, puisqu’ils étaient établis pour consacrer l’Eucharistie qui est [40] le Sacrement de la paix et de l’unité, il était tout naturel qu’ils reçussent en même temps le pouvoir de faire tout ce qui est nécessaire pour mettre les hommes en participation de cette paix et de cette unité. Et si quelques Pères ont pu dire que les Prêtres n’avaient pas le droit de baptiser sans la permission de l’Evêque, cela doit s’entendre seulement du Baptême que l’on avait coutume d’administrer plus solennellement à certains jours de l’année.

La seconde classe est celle des diacres. Mais ils ne peuvent baptiser qu’avec le consentement de l’Evêque, ou du Prêtre. De nombreux textes des Pères ne laissent aucun doute sur ce point.

En troisième et dernier lieu, viennent ceux qui dans le cas de nécessité, peuvent administrer ce Sacrement, sans les cérémonies habituelles. De ce nombre sont tous les humains, hommes ou femmes, même les derniers du peuple et de quelque religion qu’ils soient. En effet, Juifs, infidèles, hérétiques, quand la nécessité l’exige, tous peuvent baptiser, pourvu qu’ils aient l’intention de faire ce que fait l’Eglise, en administrant ce Sacrement. Ainsi l’avaient déjà décidé plusieurs fois les Pères et les anciens Conciles. Mais la sainte Assemblée de Trente vient au surplus de prononcer l’anathème contre tous ceux qui oseraient soutenir que le Baptême donné par les hérétiques au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, avec l’intention de faire ce que fait l’Eglise, n’est pas un Baptême valide et véritable.

Et certes, c’est là pour nous une belle occasion d’admirer la Bonté parfaite et l’infinie Sagesse de notre Dieu. Parce que le Baptême est nécessaire à tous, Il a choisi et institué pour matière de ce Sacrement l’eau, que l’on trouve partout, et en même temps II n’a voulu refuser à personne le pouvoir de l’administrer. Seulement, comme nous l’avons déjà dit, tous n’ont pas le droit de le conférer avec les cérémonies établies par l’Eglise ; non que ces rites et ces cérémonies soient quelque chose de plus auguste que le Sacrement lui-même, mais parce qu’elles sont moins nécessaires.

Au reste, s’il est permis à tous de baptiser, les Fidèles ne doivent point s’imaginer pour cela que les convenances n’obligent pas à établir un certain ordre parmi les divers Ministres de ce Sacrement. Une femme, par exemple. ne doit pas se permettre d’administrer le Baptême, s’il y a un homme présent ; ni un Laïque, s’il y a un Clerc ; ni un Clerc s’il y a un Prêtre. Cependant les sages-femmes qui sont accoutumées à baptiser ne sont nullement répréhensibles, si dans certains cas, et en présence d’un homme qui ne sait pas conférer ce Sacrement, elles se chargent elles-mêmes de cette fonction, qui dans d’autres circonstances semble convenir beaucoup mieux à l’homme.

  • IV. — DES PARRAINS eT MARRAINES.

Outre ces différents Ministres qui peuvent, comme nous venons de le dire, administrer le Baptême, il en est d’autres qu’un usage très ancien de l’Eglise catholique fait concourir à la cérémonie de la sainte et salutaire Ablution. Ce sont ceux que nous appelons aujourd’hui Parrains, et que les auteurs ecclésiastiques appelaient communément autrefois receveurs, répondants, ou cautions. Comme ces sortes de Fonctions peuvent être remplies par presque tous les laïques, les Pasteurs devront les passer en revue avec soin, afin que les Fidèles sachent bien ce qu’il faut faire pour les remplir convenablement. Avant. tout, il sera nécessaire d’expliquer pour quelles raisons on a joint aux Ministres du Sacrement des Parrains et des répondants. Et cette raison paraîtra très juste et très sage à tous ceux qui voudront se souvenir que le Baptême est une régénération spirituelle, par laquelle nous naissons véritablement enfants de Dieu. C’est ainsi que l’enseigne Saint Pierre: [41] Comme des enfants nouvellement nés, désirez le lait spirituel, et pur de tout mélange.

Dès qu’un enfant a vu le jour, il a besoin des secours et des soins d’une nourrice et d’un maître, pour s’élever d’abord, et ensuite pour s’instruire dans les sciences et dans les arts. Ainsi ceux qui commencent à vivre de la vie spirituelle puisée aux Fonts du Baptême, ont besoin d’être confiés à une personne remplie de Foi et de prudence, capable de les instruire des préceptes de la religion chrétienne, de les former à la pratique de toutes les Vertus, et de les faire croître peu à peu en Jésus-Christ, jusqu’à ce qu’ils deviennent, avec la Grâce de Dieu, des hommes (des Chrétiens) parfaits.

Et cela est d’autant plus nécessaire que les Pasteurs chargés de la conduite des Paroisses, n’ont généralement pas assez de loisir pour se charger du soin d’instruire les enfants en particulier sur les éléments de la Foi. Saint Denys nous a laissé un témoignage remarquable de l’ancienneté de cet usage: [42] Nos divins Maîtres, dit-il, car c’est ainsi qu’il appelle les Apôtres, ont eu la pensée, et ont jugé à propos de donner des répondants aux enfants, conformément à cette sainte coutume qui porte les parents naturels à choisir pour leurs enfants des personnes éclairées dans les choses de Dieu, capables de leur tenir lieu de maîtres, et sous la direction desquels ces enfants doivent passer le reste de leur vie, comme sous les auspices d’un père spirituel, et du gardien de leur salut. Le Pape Hygin dit la même chose, et son autorité confirme notre doctrine.

C’est donc avec une profonde sagesse que la sainte Eglise a décrété que les liens de l’affinité spirituelle existeraient non seulement entre celui qui baptise et celui qui est baptisé, mais encore entre le Parrain, son Filleul. Et les Parents de ce dernier. De sorte qu’il ne peut y avoir de légitime mariage entre ces différentes personnes, et que si par hasard un mariage était contracté dans ces conditions, il serait nul de plein droit.

Puis il faudra instruire les Fidèles sur les obligations des Parrains ; on s’acquitte aujourd’hui de ce devoir avec tant de négligence, qu’il ne reste plus de cette charge que le nom. On ne paraît même pas soupçonner qu’elle renferme quelque chose de sacré. Or, en général, les Parrains ne doivent jamais perdre de vue qu’ils ont contracté l’obligation spéciale et rigoureuse de considérer dans leurs enfants spirituels des personnes confiées pour toujours à leurs soins, de les former avec un grand zèle à toutes les pratiques de la Vie chrétienne, et de faire tous leurs efforts pour les engager à remplir fidèlement, pendant leur vie, ce qu’ils ont si solennellement promis pour eux au Baptême. Ecoutons là-dessus saint Denys. [43] Voici ce qu’il fait dire à un répondant (au Parrain): Je promets d’exhorter et d’engager soigneusement cet enfant, lorsqu’il sera en âge de comprendre la Religion, à renoncer à tout ce qui est contraire au bien, à professer et à remplir exactement les promesses qu’il fait maintenant à Dieu. — Vous tous, s’écrie à son tour saint Augustin [44], hommes et femmes qui avez reçu des enfants au Baptême, je vous en avertis, surtout n’oubliez pas que vous êtes devenus auprès de Dieu les cautions de ceux qu’on vous a vus recevoir sur les Fonts sacrés. Et en effet n’est-il pas bien juste que celui qui s’est chargé d’un emploi, ne se lasse jamais de s’en acquitter avec exactitude, et que celui qui a promis publiquement d’être le maître et le guide d’un autre, ne se permette point d’abandonner celui qu’il a pris sous sa garde et sous sa protection, tant qu’il sait que ce dernier a besoin de ses services et de son appui ? — Mais quels sont les enseignements que les Parrains doivent donner à leurs Filleuls ? Saint Augustin nous le dit en peu de mots, en traitant de leurs obligations. [45] Ils doivent les avertir de garder la chasteté, d’aimer la justice, de conserver la charité, et leur apprendre le plus tôt possible, et avant tout le reste, le symbole, l’Oraison Dominicale, le Décalogue et les premiers Principes de la Religion chrétienne.

D’après cela, il est facile de voir à quelles personnes on ne doit point confier la direction de cette sainte tutelle. Ce sont toutes celles qui ne veulent pas, ou qui ne peuvent pas s’en acquitter fidèlement et avec zèle. D’abord le père et la mère sont exclus. Il ne leur est pas permis d’être les Parrains de leurs enfants. L’Eglise veut nous faire comprendre par là combien l’éducation spirituelle diffère de l’éducation selon la chair. Ensuite, on ne doit jamais confier cette fonction aux hérétiques, aux Juifs, aux infidèles, puisqu’ils ne pensent et ne cherchent qu’à obscurcir la vérité de la Foi par leurs mensonges, et à détruire toute la piété chrétienne.

Le Concile de Trente défend également de faire tenir le même enfant sur les Fonts du Baptême par plusieurs Parrains ou Marraines. On doit se borner à un seul Parrain, ou à une seule Marraine, ou du moins prendre seulement l’un et l’autre. Et en voici la double raison: D’une part la multitude des maîtres pourrait introduire de la confusion dans la direction et l’instruction des enfants, de l’autre il était bon de restreindre les affinités provenant de ce chef, entre un trop grand nombre de personnes, pour ne point gêner le développement des alliances dans la société par légitime mariage.

 

[1] Rom., 6, 3. ---------  1 Cor., 6, 12, 13.

[2] Marc, 7, 4.

[3] Marc., 10, 38. ------  Luc., 12, 50. --------  1 Cor., 15, 29.

[4] Saint Aug. Epist., 25.

[5] Hebr., 10, 32.

[6] Rom., 6, 4.

[7] Saint Dionys. de Eccl. Hier.

[8] Joan., 3, 5.

[9] Eph., 5, 26.

[10] Joan., 1, 12, 13.

[11] Matth., 28, 19.

[12] Saint Aug. tract., 80, in Joan.

[13] Joan., 3, 5.

[14] Eph., 5, 25.

[15] Joan., 5, 8.

[16] Matt., 3, 11.

[17] Act., 2, 3.

[18] Act., 1, 5.

[19] Genes., 6, 5.

[20] 1 Pet. 3, 20.

[21] 1 Cor., 10, 1.

[22] Isa., 55, 1.

[23] Ezech., 47, 2.

[24] Zach., 13, 1.

[25] Saint Hier. Epist., 85.

[26] Matt., 28, 19.

[27] Joan., 1, 33.

[28] Gal., 8, 27.

[29] Eph., 5, 26.

[30] Act., 2, 41.

[31] Saint Greg. Orat. in nat.

[32] Saint Aug. serm., 19, 36 et 37 de temp.

[33] Marc., 16, 15. Matth., 28, 19.

[34] 1 Pet., 1, 3.

[35] Eph., 5, 26.

[36] Joan., 3, 5.

[37] I. Cor., 14, 40.

[38] Matth.. 28, 19.

[39] Isid. Lib., 2, de Offic. Eccl.

[40] 1 Cor., 10, 27.

[41] 1. Pet., 2, 2.

[42] Dionys. de Eccl. Hier. c., 2

[43] Dionys. de eccl. Hier. c., 2.

[44] Saint Aug. Sermon, 163.

[45] Saint August. Serm, 163.