Marie-Eugène de l'ENFANT JESUS

Marie-Eugène de l'ENFANT JESUS (1894-1967) écrits

Bienheureux, carme, fondateur de Notre Dame de Vie

 

« Je ne cherche pas à faire ma volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé » (Jn 5,30)

 

L'obéissance est une vertu qui unit l'homme à Dieu en le soumettant à la volonté divine, manifestée par Dieu lui-même ou ses représentants. On a pu dire de cette vertu qu'elle est presque théologale. En fait, elle se rattache à la vertu de justice qui nous fait rendre à Dieu ce qui lui est dû. Dieu a des droits souverains sur nous qui sommes ses créatures. La soumission à son bon vouloir et l'exécution en tous ses détails de la mission qu'il nous a confiée sont pour nous un devoir que nous impose sa souveraineté absolue.

D'ailleurs le plan à la réalisation duquel il nous demande de travailler est infiniment sage. Il doit procurer à la fois la gloire de Dieu et notre bonheur. Il n'y a rien que de hautement raisonnable, sage et sain en tout ce que Dieu exige de nous : ce Maître absolu n'exerce son pouvoir que pour notre bien et en respectant notre liberté. La sagesse des desseins de Dieu, aussi bien que son souverain pouvoir, fondent donc notre obéissance. (…

C'est par l'obéissance que l'homme capte cette lumière [pratique qui nous indique la volonté de Dieu] et la fait entrer dans sa vie. L'obéissance marche toujours dans la lumière. Elle n'impose à l'intelligence la soumission qu'afin de lui faire dépasser ses lumières propres, qui ne peuvent être que limitées, pour la faire entrer dans la grande lumière de Dieu. Mystérieusement mais sûrement, elle indique à l'âme les sentiers que lui a tracés la Sagesse et la conduit en ces régions que cette Sagesse lui a fixées comme demeure d'éternité.

L’obéissance (Je veux voir Dieu, éd. du Carmel, 1949 ; p. 620.626)

« Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit » (Jn 15,5)

 

« C'est moi qui vous ai choisis et je vous ai établis pour que vous alliez et que vous portiez du fruit, et un fruit qui demeure. » (Jn 15,16) Cette déclaration de Jésus dans le sermon après la Cène vient à la suite de ses affirmations sur les liens étroits qui l'unissent désormais à ses apôtres. « Je suis la vigne, vous êtes les branches. Celui qui demeure en moi et moi en lui porte beaucoup de fruit, car sans moi vous ne pouvez rien faire. » (Jn 15,5) Le rameau vit de la sève qui monte de la vigne. Sa fonction est de transformer la sève en fruits. C'est sa raison d'être. Si donc le rameau ne porte pas de fruits, il est normal qu'il soit coupé et jeté au feu. Tel est l'ordre des choses.

Jésus le souligne pour indiquer que la fécondité est la raison du choix de ses apôtres et de son action sur eux. Ils doivent aller dans le monde et porter du fruit pour la gloire du Père. Ce monde où il les envoie est mauvais, dangereux, persécuteur. Aussi il prie pour eux, mais non point « pour qu'ils soient enlevés du monde, mais que vivant dans le monde, ils soient préservés du mauvais qui y règne. » (Jn 17,15) Après sa résurrection, Jésus déclare encore : « Comme mon Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie. » (Jn 20,21)

Point de doute par conséquent ; l'œuvre de sanctification réalisée par Jésus en ses apôtres, les liens mystérieux de la grâce qu'il a créés entre eux et lui, au même titre que les pouvoirs étonnants qu'il leur a donnés, sont ordonnés à leur mission dans le monde. La plénitude de la grâce et la plénitude des pouvoirs conférés sont destinés à assurer à Jésus des apôtres continuateurs de sa mission. Ils ont été choisis par Jésus, ils seront transformés par son Esprit pour devenir d'autres Christs ici-bas et pour porter des fruits dans le monde.

Le saint dans le Christ total
 (Je veux voir Dieu, éd. du Carmel, 1949 ; p. 1024-1025)

« Il vous faut naître d’en haut »

 

L’enfance spirituelle faite de pauvreté jalousement conservée était à la portée de Nicodème, cet homme considérable parmi les Juifs. Il pouvait la faire sienne, sans rien supprimer de ce qu'exigeaient son rang et l'exercice de ses fonctions, sans prendre les attitudes et un langage enfantins... Il devait la faire sienne, car pour renaître sous le souffle de l'Esprit, il faut être pauvre, confiant et dépendant en tout de Dieu. Ou plutôt, renaître n'est pas autre chose que devenir progressivement un enfant.

Tandis qu'en effet, la génération dans l'ordre naturel, réalisée dans le sein de la mère, s'épanouit dans une séparation progressive jusqu'à ce que l'enfant puisse vivre sa vie indépendante et parfaite, la génération spirituelle se fait en sens inverse par une absorption progressive dans l'unité. Séparés de Dieu par le péché, nous sommes éclairés par sa lumière, pris dans les liens de plus en plus étroits de son amour, jusqu'à ce que, devenus de vrais enfants, nous soyons perdus en son sein, ne vivant plus que de sa vie et de son Esprit

« Ceux-là sont les vrais enfants de Dieu qui sont mus par son Esprit » (Rm 8,14), c'est-à-dire ceux qui, par leur pauvreté spirituelle et le dégagement d'eux-mêmes, ont perdu leurs opérations propres et sont entrés dans le sein de Dieu où leur vie et leurs mouvements dépendent en tout de l'Esprit qui engendre. Tel est le sens et la valeur de l'enfance spirituelle. Parfaitement réalisée, elle est déjà la sainteté.

La conduite de l’âme (Je veux voir Dieu,
éd. du Carmel, 1949 ; p. 842-843 ; rev.)

« Qu’ils soient un en nous » (Jn 17,21)

 

En sa prière sacerdotale avant la Passion, le Christ Jésus ne fait qu'une demande pour ses apôtres et pour ceux qui croiront en leur parole : qu'ils soient un avec Lui, comme Lui et son Père sont un (Jn 17,21), afin qu'ils puissent voir sa gloire (Jn 17,24). Cela, le Christ Jésus l'exige comme le prix de son sacrifice. Cette unité est le but de l'Incarnation et de la Rédemption. Elle est vitale pour nos âmes et pour l'Église. (…) L'Église c'est le Christ diffusé ou le Christ répandu en ses membres. Elle le prolonge en lui fournissant des humanités de surcroît dans lesquelles il étale les richesses de sa grâce et par lesquelles il continue sa mission sacerdotale ici-bas. La grâce divine, qui ne peut nous venir que du Christ, nous enchaîne au Christ et nous fait du Christ. Ainsi nous sommes au Christ et le Christ est à Dieu. (…)

Tel est le plan de Dieu qui nous enveloppe et les desseins qu'il veut réaliser en nous et par nous. Nous serons du Christ ou nous n'aurons pas de vie surnaturelle ; nous serons Fils avec le Verbe incarné au sein de la Trinité sainte ou nous serons exclus du royaume des cieux. Ces vérités ne doivent pas seulement fournir un aliment à notre contemplation. Puisqu'elles commandent toute l'œuvre divine de la Rédemption et de l'organisation de l'Église, elles doivent présider à la coopération qui nous est demandée à cette œuvre divine. Ces vérités si hautes sont parmi les plus pratiques pour la vie spirituelle et pour l'apostolat.

« Le bon Jésus »
(Je veux voir Dieu, éd. du Carmel, 1949 ; p. 77-78)

Les parfums du Christ

 

L’humilité fervente est le fruit de la lumière de Dieu sur l'âme. Il serait donc vain de prétendre l'acquérir par ses propres efforts. (…) Il est nécessaire de demander la lumière d'humilité. Il n'importe pas moins de la bien recevoir. (…)

« Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur » proclame Jésus. L'humilité et la douceur sont ses vertus caractéristiques, le parfum personnel de son âme, celui qu'il laisse sur son passage et qui indique les lieux où il règne. L'humilité du Christ Jésus, humilité fervente par excellence, procède de la lumière du Verbe qui habite corporellement en lui et l'écrase de sa transcendance. Car entre la nature divine et la nature humaine du Christ Jésus, unies par les liens de l'union hypostatique, subsiste la distance de l'Infini... Cet Infini écrase l'humanité et la plonge en des abîmes d'adoration et d'humilité où nul autre ne saurait le suivre, car nul autre n'a contemplé de si près et si profondément l'Infini. Mais cet infini est amour qui se donne, onction qui se répand. Aussi l'écrasement qu'il produit est-il suave, paisible et béatifiant. Le Christ Jésus est aussi doux qu'il est humble.

Humilité et douceur, force et suavité, parfum du Christ et aussi parfum de l'humilité fervente, c'est le signe authentique de contacts divins et un appel discret mais pressant à de nouvelles visites de la Miséricorde de Dieu.

L’humilité (Je veux voir Dieu,
éd. du Carmel, 1949 ; p. 358-360 ; rev.)

Loi douloureuse, loi de vie !

 

« Si vous ne faites pénitence, vous périrez tous ! » (Lc 13,3) nous dit Notre Seigneur. Voilà une loi bien austère. Jésus précise la qualité de l'effort qu'il exige : « Le royaume de Dieu souffre violence ; seuls les violents l'emportent » (cf. Mt 11,12). Tous les disciples du Christ doivent donc être des violents, car on ne peut en effet, sans se faire violence à soi-même, réaliser le précepte formel du Maître : « Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il fasse abnégation de lui-même, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive » (cf. Mt 16,24).

Il n'est donc point d'autre voie d'ascension vers Dieu que le chemin du Calvaire, âpre et sanglant comme la montée du Carmel. Aux disciples d'Emmaüs, encore scandalisés du drame du Calvaire, Jésus dira : « Ne fallait-il pas que le Fils de l'homme souffrît et entrât ainsi dans la gloire ? » (Lc 24,26). Il proclame une loi : celle qu'il s'est imposée, celle qu'ils devront subir. Il l'a annoncé : « Le disciple n'est pas au-dessus du Maître. Le monde m'a haï et il vous haïra. Ils vous persécuteront comme ils m'ont persécuté... Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. »(cf. Mt 10, 24.16 ; Jn 15, 18.20) Cette loi douloureuse est une loi de vie. (…)

Nous voulons oublier que le Christ Jésus n'a point annoncé d'autre victoire que celle de la croix sur le Calvaire, pas d'autre revanche sur ses ennemis que celle du jour où il viendra sur les nuées du Ciel avec sa croix, pour juger les vivants et les morts. En ce jour ne triompheront avec Lui que ceux qui auront passé par la grande tribulation et seront purifiés dans le sang de l'Agneau (cf. Ap 7,14).

Ascèse thérésienne (Je veux voir Dieu,
éd. du Carmel, 1949 ; p. 84-86 ; rev.)