Jean CLIMAQUE

Jean CLIMAQUE (v. 575-v. 650) écrits

Saint, moine au Mont Sinaï

 

Un Dieu et un Roi nous appelle

 

Puisque c'est un Dieu et un roi qui nous appelle à son service, courons avec ardeur ; car nous n'avons en effet que peu de temps à vivre, et nous risquons d'être trouvés sans fruit au jour de notre mort et de périr de faim. Cherchons à satisfaire notre Seigneur, comme des soldats leur roi, car, après la fin de la campagne, il sera exigé de nous un compte exact de notre service.

Si un roi terrestre nous convoquait et voulait que nous prenions du service auprès de lui, nous n'attendrions pas, nous ne chercherions pas d'excuses, mais aussitôt, laissant tout, nous irions à lui avec empressement. Soyons donc attentifs, quand le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs, le Dieu des dieux, nous appelle à son céleste service, à ne pas nous récuser, par paresse ou par lâcheté.

Courons avec joie et amour au bon combat, sans nous laisser intimider par nos ennemis. Réjouissez-vous donc toujours dans le Seigneur, vous tous qui êtes ses serviteurs, reconnaissant en cela la première marque de l'amour que le Maître vous porte.

L'Échelle sainte (Coll. SO n° 24;
trad. P. Deseille; éd. Bellefontaine, 1993; p. 38-40; rev.)  

« Ne jugez pas, pour ne pas être jugés »

 

N’aie pas de fausse honte devant celui qui te dit du mal de son prochain, mais réponds-lui plutôt : « Arrête, frère ! Je tombe moi-même chaque jour dans des fautes plus graves ; dès lors, comment pourrais-je condamner celui-ci ? » Tu obtiendras ainsi un double profit : avec un unique remède, tu te guériras toi-même et tu guériras ton prochain. C’est là un des raccourcis qui conduisent au pardon des péchés, je veux dire de ne pas juger, si cette parole est vraie : « Ne jugez pas ; et vous ne serez pas jugés » (Lc 6,37). (…)

Quand tu verrais quelqu’un commettre le péché à l’instant de sa mort, même alors ne le juge pas, car le jugement de Dieu est impénétrable pour l’homme. Certains ont commis de grandes fautes à la vue de tous, mais ils ont accompli en secret de plus grand actes de vertu. Ainsi leurs détracteurs se sont-ils trompés en ne s’attachant qu’à la fumée sans voir le soleil.

Écoutez-moi, écoutez, vous tous, censeurs pleins de malice des actions d’autrui ! Si cette parole est vrai ‒ et elle l’est certainement ‒ : « Du jugement dont vous jugez on vous jugera » (Mt 7,2), alors tout péché, soit de l’âme, soit du corps, dont nous accuserons notre prochain, nous y tomberons nous-mêmes. La chose est sûre.

Des censeurs hâtifs et sévères de leur prochain tombent dans cette passion parce qu’ils ne gardent pas parfaitement le souvenir et le souci constant de leurs propres péchés. En effet, si quelqu’un, débarrassé du voile de l’amour de lui-même, voyait exactement ses propres maux, il ne pourrait plus se soucier d’autre chose sa vie durant ; il estimerait que tout le temps qui lui reste ne lui suffirait pas pour s’affliger sur lui-même, vivrait-il cent ans et verrait-il toutes les eaux du Jourdain couler de ses yeux en torrents de larmes. (…)

Juger les autres, c’est ne pas avoir honte d’usurper une prérogative divine ; les condamner, c’est ruiner notre propre âme.

L’Échelle sainte, 10e degré: 8,10-11,12,13,18 (Coll. SO n° 24,
trad. P. Deseille, éd. Bellefontaine, 1978; p. 139-140; rev.)